Bali
Antoine en parle
J'ai découvert Bali devant l'étrave de mon premier voilier, en 1978, et failli d'ailleurs y faire naufrage dans les minutes qui ont suivi, de forts courants incontrôlés agitant les détroits qui séparent les îles d'Indonésie.
Mon coup de foudre pour l'île m'a frappé un matin ou je me baignais nu dans un vaste bassin de pierres sculptées d'un "Temple d'eau", avant de reprendre ma route au travers des montagnes et des forêts , ou poussent en abondance les fruits du jaquier, le meilleur fruit du monde. Je suis retourné à Bali filmer quelques uns des temples, quelques unes des centaines de cérémonies qui occupent chaque jour la population attachante de cette île, un havre de paix hindouiste entouré d'un âpre univers musulman. J'ai aimé les longues plages noires au bord desquelles les Balinais viennent faire de sacrifices, les danses du Barong ou du Kecak, les sculptures et la cuisine balinaise si inventive.
j'adore aller passer quelques jours au bord d'une rivière du centre de l'île, et regarder du rivage passer les belles pirogues à voiles... vous l'avez compris, Bali a une place à part dans mon coeur, non pas la Bali des fêtards de Kuta et Legian, mais celle de l'intérieur, celle des plages désertes et des temples endormis.
Repérez vous sur Google Maps
Mes liens préférés
Office du tourisme de Bali : www.bali-tourism-board.com
Le guide du routard à Bali : www.routard.com
Toutes les infos pratiques : www.easyvoyage.com
Pour les navigateurs : www.noonsite.com
Tout Savoir
Bali, le quotidien surnaturel
La mer, entre les îles de l'archipel indonésien, n'excède pas cinquante mètres de profondeur. Les eaux tièdes et lumineuses favorisent la pêche, l'exploitation de la nacre, des huîtres perlières. Au voisinage des volcans et de cette mer prodigue de trésors, les hommes dialoguent jour et nuit avec les dieux, les interrogent à propos de tout et de rien, les écouten t respectueusement, marchent à leur pas et exaucent leurs voeux. Cette communion des simples mortels et des divinités s'accomplit surtout à Bali. C'est le mystère, au sens religieux, de cet arpent d'Indonésie -5 561 km 2-où les insulaires, désespérement polythéistes aux yeux des censeurs, des esprits forts, refusent de subir le courroux d'un seul Dieu. L'autre avantage du foisonnement des dieux, c'est de toujours pouvoir en dénicher un qui se montrera plus indulgent, plus conciliant à l'égard du mortel. L'hindouisme balinais, teinté de bouddhisme, d'animisme et de chamanisme, est une démonstration confondante de syncrétisme. Il emprunte aux religions du monde malais et javanais tout ce qui peut réunir les hommes et ce qui écarte ce qui pourrait les diviser.
Cette piété naturelle, appelée le Agama hindu-bali, transfigure le quotidien de l'île et lui donne un caractère non pas sacré, au sens où nous l'entendons, mais plutôt apaisé, tourné vers la beauté des choses et des êtres. Les temples, qui parsèment les collines vertes, en culture tout au long de l'année, rappellent au voyageur que la nature, même si elle offre aux paysans plusieurs récoltes de riz par an, n'appartient qu'aux dieux qui dorment dans les cratères des volcans sacrés de l'île. Les artisans d'Ubud, les graveurs sur bois et les peintres, honorent dans leur oeuvres les dieux du panthéon hindouiste en représentant les épisodes du Ramayana ou du Mahabarata. Pour chasser les mauvais esprits, décourager les démons rôdeurs, les Balinais déposent tous les jours des offrandes devant leur maison, leur moto, leur voiture quand ils sont plus riches, et au pied des petits oratoires installés un peu partout le long des routes et des chemins.
Le nombril du monde
Tout ce qui est humain est soumis à la grâce des dieux : la musique du gamelan ...l'orchestre du village, les danses balinaises, stylisées et codifiées afin que leurs conventions soient comprises de tous, le théâtre d'ombre du wayang kulit et même la statuaire grimaçante destinée à effaroucher les démons, à les chasser. La magie balinaise place les hommes sur la Terre fertile, entre les cieux et les gouffres, c'est-à-dire émergeant des océans où se dissimulent les géants, les esprits malveillants. Selon la cosmogonie insulaire, Bali, le nombril du monde, était né d'un énorme poisson que les dieux pétrifièrent. Six cieux veillent sur son destin : au-dessus des volcans commence le second ciel, où flottent les nuages qui arrosent la terre, puis vient le ciel bleu sombre où vit le dieu soleil, où cinglent les étoiles filantes, et plus haut encore que le ciel flamboyant des ancêtres, le ciel des grandes divinités, choyées par les nymphes célestes qui protègent l'humanité. Toute cette mythologie palpable prend corps, à la tombée de la nuit, près du lac Beratan embrumé quand le gamelan du village répète, à la pleine lune. Dans la fumée âcre et parfumée des kretek, les cigarettes au clou de girofle, les danseuses balinaises accomplissent leur liturgie troublante et distillent leurs sortilèges. Rien n'est aléatoire, tout est précision dans ce théâtre aux confins de la magie et du spectacle. L'inflexion des doigts traduit les sentiments les plus complexes mais jamais, sur ses lèvres ou dans le regard, la danseuse n'exprime un sentiment personnel. Son visage demeure obstinément secret. Son corps parfait est l'interprète de la musique pure, des percussions du gamelan.
Partout le surnaturel
Dans les villages de Bali, le travail n'est pas isolé de la religion, du droit coutumier, des arts. Le vécu communautaire ne dissocie pas les activités quotidiennes, la préparation des repas, de la célébration d'une divinité tutélaire ou de la représentation d'un mythe dans le théâtre d'ombres. A travers l'épopée du Ramayana, chacun revit, dans le chant des insectes et des crapauds buffles, la fable de l'affrontement entre les forces du bien et les démons. Les enfants issus du mariage entre le haut et le bas du cosmos sont devenus les dieux qui dirigent le monde. Longtemps, ces divinités se sont disputées le gouvernement du monde comme le raconte aux petits enfants le Mahabarata du théâtre d'ombres. Le sacrifice des dieux victimes de ces batailles célestes, au-delà des montagnes, a enrichi le monde de précieux bienfaits : le riz, les cocotiers et les fruits. Plongés dans cet univers surnaturel, les Balinais se sentent plus familiers des esprits d'en haut qu'ils prient et des forces d'en bas qu'ils exorcisent, au coucher et au lever du soleil, que des océans qui les baignent. Pour eux, la montagne est synonyme de vie. Bali n'a jamais formé de navigateurs. Ses habitants regardent vers l'intérieur, vers les volcans où sommeillent les dieux et dont les pentes descendent jusqu'à la mer. Le mont Batukaru, le mont Batur et le Gunung Agung, le nombril du monde haut de 3142 mètres, sont vénérés par les Balinais. Leurs lacs, dont la couleur varie selon l'heure du jour, et leurs rivières font l'objet d'une vraie dévotion. Les eaux purificatrices des volcans ont aussi réputées pour leur fertilité. De cepoint de vue, les Balinais ne sont pas toujours bien lotis. L'ouest de l'île, en dehors de la période des pluies qui s'étend d'octobre à mars, reçoit peu d'eau et ressemble à une savane désertique.
Méfiants envers la mer
Si l'eau douce, qui ruisselle partout pour alimenter les rizières, est sacrée, utilisée avec sagesse et parcimonie, la mer resteun domaine étranger, hostile pour les insulaires. La nuit, ils n'aiment pas non plus s'attarder sur les plages où, dit-on, sévit le démon solitaire qui s'est réfugié dans l'île de Nusa Penida : Gede Melanting. Ce monstre a déjà tenté, selon la légende, de détruire Bali. Les Balinais prétendent qu'il revient hanter une fois l'an la presqu'île de Bukit Badung. Seuls les pêcheurs musulmans s'élancent à bord de leurs pirogues à balancier ...celles qui ont influencé les pirogues polynésiennes ? pour emmener les visiteurs sur l'île aux belles plages désertes. Malgré la barrière de corail qui protège le rivage, les hommes des montagnes ne s'aventurent pas dans le lagon. Tout juste vont-ils pêcher dans les eaux transparentes quelques poissons perroquets pour un banquet, pour des offrandes. Ils se procurent aussi, au bord de la mer, les blocs de corail destinés aux sculpteurs. Plus que tout, ils redoutent les requins, les poulpes et les les poissons-pierre. Au fond, ils ne sont pas de la mer. Ils vivent au seuil du ciel et à l'orée de la mer. Ils se sentent plus à l'aise dans le site sacré de Sangeh, la forêt des singes. Ce lieu est associé à l'épopée du Ramayana, à la lutte du bien et du mal. Le général des singes, impatient se débarrasser de l'abominable Rawana, l'incarnation du mal invincible sur terre et dans le ciel, avait trouvé un stratagème : écraser ce Lucifer hindou entre deux montagnes pour le mettre hors de combat. En se fracassant, les montagnes laissèrent tomber quelques singes sur Sangeh. Il s'agit évidemment des ancêtres de l'actuel forêt des singes dont les pensionnaires turbulents abusent de leur immunité. Ces maraudeurs pillent tout ce qui passent sous leurs yeux, surtout les appareils photos. Profitant de la pénombre de cette forêt dense, ils campent tantôt dans les grands arbres, tantôt dans un temple ancien.
A Bali, les esprits ont la mémoire longue. Le kriss, le couteau torsadé, ondulé comme un serpent, que les nobles de Bali héritaient de leurs pères, était forgé par une corporation de métallurgistes adorateurs des volcans. Tous les ans, la lame du kriss était ointe par un chaman. Le poignard pouvait voler, se déplacer seul et alerter d'un danger. Mais le titulaire du kriss devait se montrer à la hauteur de l'arme magique. Sinon, le kriss se retournait contre lui.
Sachant que les dieux nous épient, il ne faut rien négliger, à Bali, pour être heureux : musarder sur les plages de la côte ouest, près de Tanah Lot, dans le nord, à l'est, tenter d'accompagner les pêcheurs sur leurs « jukung » colorées et puis filer sur les plages bien équipées du sud. Une drôle d'odeur sucrée flotte dans l'air. C'est l'encens des offrandes disséminées dans les campagnes. Ainsi va la raison d'être de Bali : s'élever dans la prière des hommes.