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avril 2002

Carnet de bord 2002 (suite)

1er avril 2002 (sans poisson),Puerto Ayora, Santa Cruz, galapagos

Encore une veillée d'armes : la journée a été si frénétique, ravitaillement, courses, formalités, rangements, que j'ai décidé de dormir cette nuit encore dans le port d'Academy Bay et de ne partir qu'au matin.

Le spectacle étonnant du jour :
le chargement sur un petit cargo d'un grand troupeau de chèvres élevées ici et exportées vers l'Equateur ... une barge d'ou dépasse un foisonnement de grandes cornes recourbées se dirige vers un de ces petits cargos rouges mal repeints qui assurent le transport entre l'archipel et le continent... intrigué, je sors les jumelles, me demandant comment ils vont les faire monter à bord... une par une, une sangle sous le ventre, comme les chevaux des îles Marquises ? Non, la barge arrivée au flanc du cargo, tout le troupeau (peut-être cent chèvres) est rassemblé sur un vaste filet en gros cordage, dont les quatre coins sont réunis au dessus des bêtes et amarrés à une grue... qui entreprend de hisser le tout, transformant le troupeau en une gigantesque boule de chair d'où dépassent, à travers les mailles du filet, des pattes et des cornes dans tout les sens... au milieu des bêlements desespérés, on a la sensation d'entendre se briser des pattes ou se crever des ventres percés d'une corne, dans cet effroyable magma compressé par le filet ; une ou deux bêtes arrivent à s'échapper du filet, retombent sur la barge... et puis l'horrible boule atteint son apogée, redescend vers une cale, je ne vois plus rien, dans quelle condition ces pauvres bêtes vont elles naviguer jusqu'au continent... en boule ?

La rencontre du jour :
un Suédois nommé Elf, et qui pourrait effectivement jouer dans le Seigneur des Anneaux... quoiqu'il ressemble plus, en fait, à un hobbitt qu'à un elfe; il a fait traverser l'Amérique Centrale à son bateau sans passer par le Canal de Panama : engagé pour travailler chez un constructeur costaricain de canots pneumatiques, il a sorti son bateau de l'eau dans le port Caraïbe du Costa Rica, Limon, puis il a soudé une remorque, amené son bateau par la route jusqu'à la région montagneuse de San Jose ; puis, après avoir travaillé six mois sur place, il a repris la route, et remis son bateau à l'eau sur la côte Pacifique du pays... et le tout pour beaucoup moins cher que les prix du Canal de Panama !

J'espère qu'un peu de vent favorable va se lever demain matin!


2 avril 2002, 16h10 (heure de france -8h), 1 27 S, 01 11 W

Les Galapagos ont déjà disparu dans le sillage, le vent reste faible, mais avec un bon courant portant, je me rapproche en douceur à 4/5 noeuds des latitudes où l'alizé devrait retrouver des forces.

Avant de quitter Santa Cruz, j'ai rendu visite au Roi, "el Rey"; il était allongé sous un arbre, mais il ne m'a pas reconnu.
Il y a quinze ans, je faisais escale avec Titou, sur Voyage, dans Academy Bay, à Santa Cruz ; le village était encore paisible, le tourisme naissant ; dans la petite boutique qui tenait lieu de supermarché, nous nous retrouvons à la caisse en compagnie d'un vieil homme à l'allure remarquable, grosse moustache et cheveux longs, regard espiègle, T-shirt rouge et chaussures chinoises ; je lui demande s'il vient d'un bateau... Non, répond-il, "Je viens d'une autre galaxie" ; c'est ainsi que nous avions fait la connaissance de Gus Angermeyer , l'un des trois colons allemands portant ce nom, venus dans les années quarante s'installer, véritables robinsons, dans ces îles pourtant arides, aux conditions de vie incroyablement difficiles ; ils ont tenu bon, le frère de Gus, Karl Angermeyer a réussi financièrement, construit un hôtel, Gus lui, était resté bohème et vivait, en 1986, dans une espèce de maison/caverne creusée dans la falaise qui surplombe le mouillage, meublée d'objets hétéroclites, ossements de baleines, de dauphins, d'oiseaux.. même une tête humaine ; à sa porte était écrit "Vous qui entrez ici, laissez à la porte vos chaussures et vos traditions". Gus, connu dans l'île sous le nom d'El Rey, était le dernier à parcourir encore à la rame la baie où ancraient, de plus en plus nombreux, les bateaux de charter...
Cette année, j'ai voulu lui rendre visite, je l'ai retrouvé, paisible, allongé sous un arbre, le regard toujours espiègle, mais plus toute sa tête à lui ; une fillette brune s'occupe de lui, il a 92 ans, ne reconnait plus personne, j'ai essayé de lui décrire Titou, qui l'avait certainement plus impressionné que moi, il y a quinze ans, avec ses cheveux blonds et ses couronnes tahitiennes étincelantes... la mémoire n'est pas revenue, et je me suis esquivé sur la pointe des pieds, laissant el Rey , sous son grand arbre, dans une ruelle noyée de verdure à l'écat du flot des touristes, achever paisiblement près de 70 ans d'une vie bien remplie de Robinson des Galapagos...

3 avril 2002, 17h04 (heure de france-8h), 3 04 S, 94 17 W et toujours pas de vent !

Je continue vers le sud-est ; par expérience, je sais qu'il faut faire dans les trois jours de moteur en cette saison au départ des Galapagos avant de trouver l'alizé : pour l'instant il ne m'envoie que des houles désordonnées qui me boulèguent en tous sens !

Je vous parlais hier des colons allemands des Galapagos ; un autre exemple d'une famille, belge celle là, partie vivre son rêve dans les années cinquante, André et Jacqueline De Roy et leur fillette de deux ans, Tui. Sans trop connaître des Galapagos, ils sont partis s'y installer, ont triomphé des conditions difficiles, vivant d'abord d'un peu de culture, puis de la pêche du poisson, vendu salé aux bateaux venus de l'Equateur, puis la récolte de coquillages rares pour les plus grands musées du monde ; puis André à construit un petit voilier pour promener les premiers touristes ; Ils avaioent longuement sympathisé avec Bernard et Françoise Moitessier lors de leur passage sur Joshua ; Jacqueline s'est reconvertie dans la bijouterie d'art ; la petite Tui est devenue une très grande photographe, auteur de merveilleux livres sur les Galapagos et de photos de l'Arctique et de l'Antarctique ; André est décédé, Jacqueline vit toujours , depuis bientôt 50 ans, dans une magnifique maison, construite de leurs mains, débordante de verdure, au sud de Puerto Ayora ; je lui ai rendu viste (une fois tous les dix ans !). Tui vit désormais dans une autre ile spectaculaire , l'île sud de la nouvelle Zélande. Quel bel exemple de famille allée au bout de son rêve !

Le ciel se couvre, si ça pouvait annoncer l'alizé !

4 avril 2002, 15h42 (heure de france -8h), 4 11' S, 94 51'W

Devant moi, par le capot ouvert, c'est l'arc en ciel des couleurs du spi asymétrique que j'ai envoyé ce matin; hier, le nuage a réellement apporté un peu de vent, assez pour me déhaler gentiment à 4/5 noeuds presque toute la nuit; au matin, il avait un peu baissé, je me suis dit que c'était le moment où jamais d'essayer le spi ; je ne suis jamais très à l'aise avec cette voile, j'ai commencé par le faire passer sous une des coques du bateau, et puis je l'ai hissé à l'envers, inversant point d'écoute et point d'amure ; enfin, quand il a été correctement établi, j'ai repris ma route paisiblement, et depuis je marche à 4 à 6 noeuds, avec de temps en temps un grand bruit de chuintement, de frottement de la toile, puis un "plop" lorsqu'elle se gonfle à nouveau.
La nuit a été agréable, un seul cargo visible au loin, en route vers l'Australie ou la Nouvelle Zélande; j'ai repris ma routine du grand large : dormir par courtes périodes, dans le carré, face à l'écran du GPS et à celui du radar, l'alarme réglée sur 4 milles : toute entrée d'un navire ou d'un grain de pluie (eh oui, la pluie est très visible sur l'écran du radar) déclenche une alarme sonore qui me réveille ; sinon, un tour dehors de temps en temps, pour constater que l'horizon reste vide.

Musique du jour :
Toots Thielemans, The Brasil Project : les plus grandes voix brésiliennes, de Djavan à Milton Nascimento, accompagnées par les trilles de ce formidable harmoniciste.
Le fruit du jour :
Encore et encore des papayes, il n'y avait pratiquement que ça au médiocre marché de Puerto Ayora...mais quel bon et beau fruit, avec ces milliers de perles noires qui tapissent son intérieur.

5 avril 2002, 15h29 (heure de france -8h) 5 25 S, 96 27 W

Hier le ciel était bleu et tout semblait rose, j'imaginais déjà quelques jours de vent régulier sous spi... et puis au soir, un gros paquet de nuages gris arrivant de l'est m'a incité à ranger le spi dans son coffre... et j'ai bien fait, parce que la nuit et la matinée ont été un hachis de pluies, de vent trop faibles venus d'un peu partout, et surtout de houles désordonnées sur lesquelles Banana Split est bien secoué ; s'il y a un truc qui n'est pas au point dans le gréement de ce bateau, c'est la fixation au mât des lattes de grand voile, qui ne demandent , lorsque la voile ne porte pas bien, qu'à sortir de leur emplacement... en 24 heures, c'est quatre lattes qui sont sorties, et l'une d'elles a bien failli se faire la malle pour de bon...

Depuis midi, le vent semble vouloir tenir, même s'il change de force et de direction lorsque passe un grain... le ciel est tout gris, quel changement avec hier ! Enfin, je progresse, 462 milles parcourus depuis le départ...

Le fruit du jour :
c'est un souvenir : aux Galapagos, en 77, j'avais découvert à l'intérieur de l'île des petites prunes délicieuses, au goût de myrtilles dans les sous-bois du mois d'août... je m'en étais gavé ! et j'étais parti des Galapagos avec une violente "turista"... cette année, un marchand vendait de ces mêmes petites prunes sur le bord de la route principale de Puerto Ayora.. j'ai fait un grand détour pour ne pas me laisser tenter !
Musique du jour :
Sam Mangwana : Galo Negro ; sa musique est un peu un cocktail des divers genres qui sont nés lorsque la musique africaine a rencontré les influences portugaises (coladera du cap Vert), Trinidadienne (Calypso), française (Zouk des Antilles françaises, cadence de la Dominique, Compas de Haïti), Jamaïcaine (Reggae); on pourrait y ajouter le blues, le rock (influence britannique ou irlandaise) la musique Cajun, la samba (encore le Portugal), la Rumba et le Son de Cuba, la Bachata et le Merengue de Saint Domingue, la Salsa de Puerto Rico ou de New York, la Cumbia de Colombie... sans oublier, de l'autre côté de l'Afrique, le Sega... en fait, il y a un paquet de musiques qui viennent de cette musique là ! En tout cas, elle m'apporte un peu de gaîté sous ce ciel gris.

6 avril 2002, 15h34 (heure de france -8h), 6 27 S, 98 10 W

La nuit dernière a été plutôt moche, avec une succession de grains de pluie qui, comme d'habitude, faisaient tourner le vent dans tous les sens... quel déluge, mes aieux ! L'ennui, en plus, c'est que dans ces conditions, le radar ne montre plus d'éventuels navires. En fin de nuit, ça s'est arrangé, les grains ont disparu, et le vent est revenu, un peu trop du sud à mon goût, mais au moins, ça avance dans la bonne direction, même si je bondis un peu sur les vagues ; la mer a tendance à s'aplanir, d'ailleurs, mais le ciel reste tristement bouché.

J'ai eu une copine, au milieu de toutes ces avanies, une jolie mouette solitaire, grise et blanche, qui a tourné autour du bateau toute la nuit. Elle m'apparaissait dans la nuit noire, fantômatique dans la lueur du feu de mât, ou dans le faisceau de la lampe torche que je tiens entre les dents lorsque je fais des manoeuvres de voiles. Au matin, elle a tourné encore un peu autour du bateau, guettant avec attention à la surface de l'eau quelque chose qu'elle semble ne jamais trouver, et puis elle est repartie, vers où, je me le demande, nous sommes à des centaines de milles de la terre la plus proche.

Si j'ai bien compris, il y a une élection présidentielle en France dans quelque temps ; c'était déjà le cas il y a 28 ans, lors de mon départ en 1974, mais Mitterand n'était pas arrivé à se faire élire cette fois-là ; moi, je préparais mon premier voilier, Om, amarré à un ponton de la Société Nautique du vieux port de Marseille. Un dimanche, quelqu'un avait signalé ma présence à Gaston Defferre, le maire de la ville, qui avait passé la journée à régater sur son superbe voilier ; le voilà, au terme de sa régate, qui se dirige vers mon ponton, se présente, et me dit, l'air stupéfait "Alors, il paraît que vous allez partir faire le tour du monde en solitaire ? ". Je confirme... et voilà que cet homme, que je n'avais encore jamais rencontré, et qui selon toute vraisemblance aurait été premier ministre si Mitterand avait été élu quelques mois plus tôt, voilà que Gaston Defferre s'exclame a voix haute, prenant à témoin son entourage de navigateurs ou de collaborateurs politiques : "Moi, vraiment, je ne pourrais pas, moi, il faut que je baise tous les jours !"

7 avril 2002, 15h30 (heure de france 8h), 7 37 S, 100 05 W

Un des premiers navigateurs que j'aie eu l'occasion de rencontrer : Jean-Yves Terlain, il y a fort longtemps, à l'époque où il cherchait un financement pour un monocoque de 39 m ; il l'a trouvé en la personne de Claude Lelouch, et il a failli gagner la Transat cette année-là, mais Alain Colas s'était glissé devant lui. Jean Yves, qui a brillamant figuré dans de nombreuses courses depuis, comme le premier Vendée Globe, est un type attachant, un vrai artiste et aussi un rêveur ; aussi guettais-je sa réponse un jour où un curieux, journaliste ou particulier, en quête d'images de rêve, de dépaysement et d'émotion, lui parlait des longues traversées, du vent, des vagues, et des petits matins au large où l'on retrouvait des poissons volants sur le pont : j'eus la surprise d'entendre Jean Yves répondre "Les poissons volants ? Oh, c'est formidable, je les mets tête-bêche dans un plat allant au four, et deux minutes trente au micro-onde "...

Tout ça pour dire que ce matin, il y avait trois poissons volants sur les trampolines de l'avant, mais que je ne les ai pas mis dans un plat - d'ailleurs je n'ai pas de micro-onde. Je n'ai pas de mérite, j'ai essayé un jour, ça ne valait pas une boîte de sardine ou de maquereaux Capitaine Cook !

L'alizé est là, la nuit a été parfaite, pas une goutte de pluie, le désert complet, le bateau suivant gentiment sa route à 5 noeuds ; je n'ai aucune raison d'aller plus vite, de forcer l'allure, je suis un poil en avance côté saison pour la Polynésie ; j'essaierai donc de marcher à mon rythme, et tant pis pour ceux qui voudraient me voir manoeuvrer pour faire gagner un noeud au bateau...

Malheureusement, cet après-midi, succession de petites pluies qui font toujours un peu tomber le vent.

C'est dans des journées comme ça que réapparait cette valeur rare de nos jours, le temps ; le temps que les activités quotidiennes dévorent sans fin... ici la journée a ses 12 heures, la nuit ses douze heures, il n'y a pas à tortiller, il faut vivre et savourer chacune d'elles...

La musique du jour :
Francis Cabrel : Hors Saison ; vous ai-je dit que j'utilise pour la musique un petit appareil absolument miraculeux : un petit lecteur de mp3 de la marque Archos (publicité gratuite et méritée) ; il contient un disque dur de 20 Giga, j'y ai enregistré une grande partie de ma discothèque, plus de 400 CDs ; il est raccordé à la stéréo, et il suffit de quelques secondes pour écouter n'importe quel album, de Dylan, de Dire Straits, d'I Muvrini ou de Cesaria Evora.

Le fruit du jour :
bananes, bananes, le (petit) régime acheté à Santa Cruz est mûr, quant aux bananes séchées de l'autre régime, j'en mange toute la journée, quel délice !

8 avril 2002, 14h00 (heure de france -8h), 8 39 S, 102 00 W

Pourvou ché ça douré ! L'alizé est bien établi à 15/18 noeuds, de trois quart arrière, la mer plutôt belle, un petit nuage me lache une averse rafraichissante de temps en temps, et fait remonter un instant le petit pilote automatique que j'ai mis en service , en ce moment, à la place du gros, parce qu'il consomme beaucoup moins d'électricité ; l'océan étincelle de nuages de poissons volants qui décampent devant les étraves de Banana Split, deux oiseaux d'espèce indeterminée volent à grand peine vers le sud, semblant reperdre le terrain gagné dès qu'ils cessent un instant de battre frénétiquement des ailes... où croient-ils aller, il n'y a rien au sud, à part de la glace à des milliers de milles... "fais comme l'oiseau", chante Fugain... pour ces deux-là, ça m'a l'air plutôt galère...

Les conditions météo étant superbes, la mer plate, la lumière excellente, je me suis dit : "Tiens , je vais leur faire une photo de ma pomme sur le pont, toutes voiles dehors" ; je dispose d'un espèce de bras articulé très perfectionné qui se fixe à peu près à tout ce qu'on veut et permet de mettre l'appareil exactement à l'endroit souhaité ; mais malheureusement, mon nouvel appareil numérique Nikon 5000 tout neuf, je vous l'ai sans doute déjà dit, a défailli juste avant les Galapagos, et voyage actuellement vers la France pour réparation, via DHL ; le petit Sony, une vraie merveille qui fait des photos toujours réussies de façon vraiment magique, a un défaut : son écran LCD n'est pas orientable, je ne peux donc pas voir de devant l'appareil a quoi va ressembler le cadrage... donc je tâtonne, et j'ai pensé que ça vous amuserait de voir les résultats... de trop loin... de trop près... de vraiment trop près (ça c'est quand le retardateur est mal enclenché )... et enfin la photo finale... à vrai dire, elle n'est pas trop mal, mais a un peu l'air d'un montage, on dirait qu'on m'a mis en studio devant une photo du pont vide !

Je ne photographierai pas le fruit du jour : le corossol, parce qu'il est à l'état de petits morceaux dans un de ces délicieux yaourts Panaméens dont je regretterai la disparition ! J'avais acheté un de ces gros fruits verts couverts d'aspérités légèrement piquantes, dont la chair blanche translucide a une saveur unique, lors d'une escale aux Grenadines, et je l'avais fait goûter au caméraman et au preneur de son qui m'accompagnaient pour le tournage du premier film sur les Caraïbes ; le preneur de son, véritable loubard parisien, avait toujours des phrases incroyables : du corossol, le voici soudain qui déclare : " dis donc, c'est spécial, le corossol ! si ils décident de faire du yaourt au corossol chez Danone, y'aura un paquet d'ingénieurs à la lourde avant qu'ils arrivent à refaire le goût !" Eh bien, à Panama, ils y sont arrivés.

La musique du jour :
en hommage a mes potes les deux oiseaux qui rament là-haut : la musique du Peuple Migrateur, par Bruno Coulais.

9 avril 2002, 15h35 (heure de france - 8h) , 9 46 S, 104 26 W

Dans une longue traversée comme cellle-ci (près de 3000 milles sans possibilité d'escale), si l'avènement du GPS a fait un peu oublier l'antique rituel de la méridienne, qui permettait de savoir si on avait bien marché depuis 24 heures, quelle moyenne on tenait depuis le départ, etc, on a cependant gardé le besoin de marquer les longues journées, les semaines, par des pierres blanches : le quart de la toute, le tiers, les "plus que deux mille mille", les premiers mille milles... ce matin j'ai fêté le tiers de la route et les "plus que 2000", et je franchis à l'instant la barre des mille milles parcourus...

Les dangers de l'électronique : je vous ai raconté comment je m'entoure, la nuit, sur le radar, d'un cercle de protection de 3 ou 4 milles de rayon, une alarme sonore se déclenchant dès qu'un bateau, une averse de pluie ou un obstacle y pénètrent... cette nuit, je m'éveille d'un de mes nombreux demi-sommeils et constate la présence d'un écho peu clair sur l'écran, à moins de deux milles de moi, à l'intérieur de mon bouclier invisible... je bondis sur le pont et découvre un bateau de pêche illuminé de deux très puissants feux blancs... comment a-t-il pu échapper à mon radar, il n'est pas en bois, au contraire des jangadas du Brésil, radeaux à voiles où les seules piéces metalliques du bord sont les hameçons ! J'inspecte le radar, et réalise qu'un simple petit bouton, le "tuning", s'est déréglé, affiche un petit bâtonnet au lieu de cinq... un petit tour du bouton, et le bateau apparait soudain très clairement, et déclenche enfin l'alarme lorsqu'il sort du cercle de sécurité... C'est ce que Bernard Moitessier appellait le danger de confiance induite : cette électronique a tant d'avantages... mais de minuscules erreurs peuvent avoir de graves conséquences.. un instant j'imaginais, au milieu de la houle, les coques de mon bateau prises dans les filets du bateau de pêche...

C'est drôle comme la mémoire est sélective, une petite anecdote que je n'avais racontée, je crois, dans aucun livre, m'est revenue à la lecture d'un vieux carnet de bord : une nuit de 1977, en Martinique, un ami navigateur m'invite à dîner sur son superbe catamaran ; contrairement à la plupart des vagabonds des mers, c'est un homme "branché", raffiné, qui fait partie du Jet Set : il revient de Moustique, l'île des Grenadines fréquentée par les stars et les princesses... " Il y aura Mick Jagger au dîner, il est ravi de te voir ", m'affirme-t-il... moi j'en doute un peu, j'ai bien figuré à mes débuts à l'affiche d'une tournée française des Stones, et un peu sympathisé avec Jagger, de là à ce qu'il s'en souvienne... Au dîner, pourtant, c'est vrai, nous sommes quatre, le capitaine, son équipier, Jagger et moi... dîner sympathique sous la lune et les étoiles, sur ce confortable catamaran, au mouillage dans la baie des Flamands ; et puis je ramène Jagger à terre sur mon annexe, et nous terminons la soirée à la terrasse du bar, aujourd'hui disparu, qui constituait la cible de tous les transatlanticos en route la Martinique, et qui portait le nom charmant de "l'Abri Côtier" ; Jusqu'à une heure avancée, nous sommes restés en tête à tête, Jagger et moi, à parler de musique et de voyages, et puis il est parti prendre son avion : le lendemain, le quotidien local publiait une interview qu'il avait accordée la veille, où il déclarait qu'il prolongeait son séjour à Fort de France pour voir son copain Antoine, en escale en Martinique... Et je n'ai jamais raconté cette anecdote nulle part !

9 avril 2002, 15h35 (heure de france - 8h) , 9 46 S, 104 26 W

Dans une longue traversée comme cellle-ci (près de 3000 milles sans possibilité d'escale), si l'avènement du GPS a fait un peu oublier l'antique rituel de la méridienne, qui permettait de savoir si on avait bien marché depuis 24 heures, quelle moyenne on tenait depuis le départ, etc, on a cependant gardé le besoin de marquer les longues journées, les semaines, par des pierres blanches : le quart de la toute, le tiers, les "plus que deux mille mille", les premiers mille milles... ce matin j'ai fêté le tiers de la route et les "plus que 2000", et je franchis à l'instant la barre des mille milles parcourus...

Les dangers de l'électronique : je vous ai raconté comment je m'entoure, la nuit, sur le radar, d'un cercle de protection de 3 ou 4 milles de rayon, une alarme sonore se déclenchant dès qu'un bateau, une averse de pluie ou un obstacle y pénètrent... cette nuit, je m'éveille d'un de mes nombreux demi-sommeils et constate la présence d'un écho peu clair sur l'écran, à moins de deux milles de moi, à l'intérieur de mon bouclier invisible... je bondis sur le pont et découvre un bateau de pêche illuminé de deux très puissants feux blancs... comment a-t-il pu échapper à mon radar, il n'est pas en bois, au contraire des jangadas du Brésil, radeaux à voiles où les seules piéces metalliques du bord sont les hameçons ! J'inspecte le radar, et réalise qu'un simple petit bouton, le "tuning", s'est déréglé, affiche un petit bâtonnet au lieu de cinq... un petit tour du bouton, et le bateau apparait soudain très clairement, et déclenche enfin l'alarme lorsqu'il sort du cercle de sécurité... C'est ce que Bernard Moitessier appellait le danger de confiance induite : cette électronique a tant d'avantages... mais de minuscules erreurs peuvent avoir de graves conséquences.. un instant j'imaginais, au milieu de la houle, les coques de mon bateau prises dans les filets du bateau de pêche...

C'est drôle comme la mémoire est sélective, une petite anecdote que je n'avais racontée, je crois, dans aucun livre, m'est revenue à la lecture d'un vieux carnet de bord : une nuit de 1977, en Martinique, un ami navigateur m'invite à dîner sur son superbe catamaran ; contrairement à la plupart des vagabonds des mers, c'est un homme "branché", raffiné, qui fait partie du Jet Set : il revient de Moustique, l'île des Grenadines fréquentée par les stars et les princesses... " Il y aura Mick Jagger au dîner, il est ravi de te voir ", m'affirme-t-il... moi j'en doute un peu, j'ai bien figuré à mes débuts à l'affiche d'une tournée française des Stones, et un peu sympathisé avec Jagger, de là à ce qu'il s'en souvienne... Au dîner, pourtant, c'est vrai, nous sommes quatre, le capitaine, son équipier, Jagger et moi... dîner sympathique sous la lune et les étoiles, sur ce confortable catamaran, au mouillage dans la baie des Flamands ; et puis je ramène Jagger à terre sur mon annexe, et nous terminons la soirée à la terrasse du bar, aujourd'hui disparu, qui constituait la cible de tous les transatlanticos en route la Martinique, et qui portait le nom charmant de "l'Abri Côtier" ; Jusqu'à une heure avancée, nous sommes restés en tête à tête, Jagger et moi, à parler de musique et de voyages, et puis il est parti prendre son avion : le lendemain, le quotidien local publiait une interview qu'il avait accordée la veille, où il déclarait qu'il prolongeait son séjour à Fort de France pour voir son copain Antoine, en escale en Martinique... Et je n'ai jamais raconté cette anecdote nulle part !

10 avril 2002, 14h1 (heure de france -9h), 10 45 S, 106 28 W

La journée à duré 25 heures... non , ce n'est pas que l'on soit passé à l'heure d'été, mais simplement que j'ai coupé un fuseau horaire de plus... je n'ai plus que trois heures de décalage avec Tahiti ; encore 1790 milles pour les Gambier.

Aujourd'hui, depuis deux ou trois jours d'ailleurs, ça frôle la perfection, le bateau avance tout seul, la mer est plutôt plate, le ciel bleu, le vent exactement de la force et de la direction qu'il faut... évidemment, je ne devrais pas le dire... la superstition...

Quand je faisais chanteur, j'avais, bien sûr, adopté les superstitions de la profession, bien ancrées dans ce milieu assez sensible aux concepts de chance et de malchance... vous ne m'auriez pas vu porter du vert sur scène, (ni du violet en Italie), ni parler de corde sur un plateau, ni m'asseoir à une table de restaurant décorée d'oeillets...ça, c'était une superstition typiquement italienne ou méridionale, et mon manager italien de l'époque faisait débarrasser tous les bouquets d'oeillets d'un restaurant avant de consentir à y entrer... j'ai gardé cette superstition jusqu'au jour où, invité à inaugurer une fête des fleurs sur la Riviera, l'organisateur n'avait pas trouvé mieux que de me faire poser pour une dizaine de photographes... dans une vaste corbeille en osier remplie de milliers d'oeillets.. Impossible de refuser, alors je me suis dit que, du coup, j'étais vacciné... et je me suis débarrassé de cette superstition.. comme de celle du vert a mon départ en bateau : Om était vert pistache, et Voyage vert grenouille...

Lorsque je suis parti en bateau, même dilemme : vous ne m'auriez pas fait partir un vendredi, par exemple ; jusqu'au jour où il a fallu que je parte un vendredi, et où tout s'est bien passé : depuis je pars volontiers ce jour-là, je n'ai pas peur d'appeller un lapin un lapin (quoiqu'il s'agisse d'une denrée rare par ici)... mais je ne peux pas me défaire de la superstition du "Quand tout va bien, quand une mécanique fragile fonctionne contre toute attente, quand les conditions météo sont idéales, il ne faut pas le dire"... Mes carnets de bord sont pleins de mentions du genre : "17 avril : Tout va à merveille, on a fêté çà avec un gateau au chocolat" suivi de "18 avril : j'aurais mieux fait de ne pas fêter, le vent ceci-celà..."

Donc je ne vous ai pas dit que les conditions étaient excellentes, je vous ai juste envoyé un petit message comme ça pour vous dire bonjour !

Le livre du jour :
Georges Pérec, la Vie Mode d'Emploi (eh oui, j'ai fini de relire le Rushdie ). Ce livre de Pérec fait partie de la vingtaine de livres que j'ai à bord, dont je ne me séparerais sous aucun prétexte : je suis un mauvais client pour les échanges de livres entre voiliers de rencontre, les livres qui me plaisent, je ne veux surtout pas les donner !

Le fruit du jour :
melon des Galapagos; pourtant il était tombé d'assez haut dans le cockpit quand j'ai embarqué mon ravitaillement, ce qui signe en général l'arrêt de mort rapide des fruits... eh bien non, après neuf jours, il est parfait.



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