juillet 2024
Bonjour,
Françoise Hardy
J'ai bien sûr été comme vous tous très ému de la mort récente de Françoise. Mais, comme je le disais dans une interview du Figaro, à l'occasion de mon huitantième anniversaire : pour moi elle est toujours vivante, elle restera éternelle. J'ai eu envie de lui consacrer la lettre du mois, et de vous raconter raconter comment Françoise - ou son image - ont fait partie d'une bonne partie du cours de ma vie.1944 : Françoise n'a que quelques mois quand je nais à Tamatave, Madagascar
Début des Années 60 : Françoise et moi découvrons en même temps, par hasard, sur nos transistors, une radio différente de toutes les autres, Two Oh Eight, Radio Luxembourg : que des hits anglais et américains ; de cette musique qui lui plait naitra l'envie d'écrire des chansons; idem pour moi.
1961 : Elle signe son premier contrat chez Vogue, moi, ce sera 4 ans plus tard, dans une équipe différente de la sienne. Bien sûr, dès qu'elle chantera « Tous les garçons et les filles de mon âge », je me retrouverai, comme tant d'autres,« dans les rues, l'âme en peine »
1964 : ma première rencontre avec Françoise, si l'on peut parler de rencontre : à l'Olympia, elle est assise dans les premiers rangs d'un spectacle, je crois, de Hugues Aufray; elle est si belle, si sereine, que je n'oserai même pas lui demander un autographe.
12 Avril 1966 : le récent succès de mes élucubrations m'amène à figurer dans la « Photo du siècle » (dixit Wikipedia), juste à côté de Françoise; ni elle ni moi ne semblons enchantés d'être là. Peut être parce qu'à côté d'elle figure un jeune chanteur nommé Benjamin, que le directeur artistique de Françoise vient de lancer pour me faire concurrence. Il n'a pas encore trouvé Jacques Dutronc !
A la même époque, Jean-Marie Périer, devenu souvent le confident des stars françaises ou étrangères, lorsque je lui explique que le succès excessif qui m'a assailli a posé des problèmes à ma compagne, Joëlle, me confie que Françoise et lui, c'est fini, et que « Quand c'est râpé, c'est râpé ! »
Quelque jours plu s tard, inconnu trois mois plus tôt je chante 15 jours en vedette à l'Olympia. Françoise est venue à la première du spectacle, que mon manager, Christian Fechner, avait pompeusement baptisé « Le grand tournant ». Jean-Marie, qui l'accompagne me racontera qu'à un journaliste qui l'interroge à la sortie, elle répond, amusée « C'est le grand tournant ».
Juin 1966 Jean Marie Périer me photographie sur les Champs Elysées, où il a installé un tapis, un fauteuil somptueux et un lévrier afghan a mes pieds ; centre photo fera la couverture du magazine... 60 ans plus tard j'ai découvert qu'il avait réalisé la même photo avec Françoise.
Janvier 1967 : Le premier MIDEM, salon de l'édition musicale, s'ouvre; la soirée Vogue est présentée par Françoise, Jacques Dutronc et moi. Françoise qui fait parfois de gentilles gaffes, explique au public que Pierre Perret, qui vient chanter ses premiers tubes en s'accompagnant à la guitare « a bien de la chance, parce qu'il n'a pas besoin de musiciens » dit-elle devant le grand orchestre du Festival...
Juin 1967 : ma chanson « Pietre » a un succès incroyable en Italie, m'amenant à y faire de nombreux spectacles, émissions et tournées. Françoise venant souvent en Italie à l'époque, la succursale italienne de Vogue publie (je ne me rappelle pas qu'on nous ait demandé la permission ! ) un album « Antoine et Françoise » comprenant six chansons de chacun de nous, mais aucun duo.
Quelques semaines plus tard, embarqué sur un ferry vers la Sicile en compagnie des coureurs du Giro d'Italia, je tombe soudain follement amoureux, non de Françoise, mais d'une photo d'elle, prise par Jean-Marie Périer, et qui m'inspire une « Chanson devant la photo de mon idole » que l'enregistre quelques jours plus tard dans les studios Vogue. Ce même été, je figure avec Françoise au programme d'un festival musical se déroulant à Venise, et la maison de disques nous loge tous deux au mythique Hotel du Lido de Venise; nous y dinerons de façon très romantique en tête à tête ; elle a entendu la chanson où je parle de cette photo « Cà doit être bien de pouvoir dire à une personne qu'on a écrit une chanson pour elle »
Pour info, à ce jour, je ne suis pas arrivé à retrouver la photo qui m'émouvait tant; je ne l'ai pas retrouvé dans les numéros de SLC du printemps 67.. aurait-elle paru dans Mademoiselle Age Tendre, autre publication Filippacchi dans laquelle Jean-Marie exerçait également...Avis aux fans, un cadeau à celui qui me retrouve cette photo, un portrait pleine page de Françoise paru au printemps 1967
Fin 1967 ou 1968 , nous sommes invités tous deux à un festival dans la petite station thermale de Salsomaggiore. Attablé avec Françoise toute la soirée, je me lève pour chanter « Canela » en italien ; arrive le passage orchestral de la chanson, et je prends inopinément la main de Françoise pour l'inviter à esquisser quelques pas sur le rythme jazzy de la chanson... ma douleur... Elle le confirmera : Françoise - qui n'a pas osé refuser, l'émission étant transmise en direct, n'a absolument aucun sens de la danse...
Vers 1971 , j'ai mis à mon répertoire un petit numéro d'imitations, incluant Claude François, Moustaki, Johnny, et Jacques Dutronc. Je l'ai présenté à la télévision, le lendemain, je rencontre Françoise qui me dit avoir éclaté de rire quand j'ai chanté en imitant Dutronc :
« Je suis l'dauphin d'la place Dauphine et j'ai visité tout Paris
La Seine, l'Etoile le Louvre et j'ai même visité Françoise Hardy »
Passent les années...
2012 : Le chanteur Stanislas me propose d'enregistrer un album de nouvelles chansons, je chante dans l'émission de Michel Drucker « Demain Cayenne ». Françoise, que je n'ai plus rencontrée depuis des années, m'aborde à la fin de l'enregistrement, et me complimente sur cette chanson, un compliment pour moi précieux - et rare venant d'elle.
2013 : J'ai choisi de me mobiliser contre un projet de loi stupide et cruel qui prétend vouloir protéger les prostituées, mais qui vise en fait à rendre impossible, car plus dangereuse, leur activité, pourtant très respectable et essentielle à notre société. Avec des dizaines d'artistes ( Aznavour, Deneuve, Florence Arthaud, Mireille Darc, et tant d'autres),Thomas Dutronc signe sans hésiter notre déclaration, et me donne l'adresse mail de Françoise; elle préfère ne pas se joindre à nous car elle a été récemment violemment attaquée sur un sujet comparable, mais se déclare tout à fait d'accord : « D'ailleurs, me raconte-t elle, à l'époque ou Thomas avait 14 ans, je sortais souvent avec une amie call-girl. Un jour Thomas me demande quel était son métier, je le lui ai expliqué, et Thomas m'a demandé si elle pourrait être sa première fois... Cela s'est si bien passé qu'il a refilé le plan a plusieurs de ses copains... » Je ne relaterais pas cette anecdote si Thomas ne l'avait pas lui même révélée en interview.
Vers 2020 un journaliste interroge Françoise sur sa période Italienne, lui raconte notre soirée à Venise, et lui déclare « Antoine devait me trouver à son goût car il avait écrit une très jolie chanson pour moi » « La trouver à son goût »... l'expression m'a paru curieusement désuète dans sa bouche... J'ai réécouté la chanson, elle commençait effectivement par « Je croyais ne plus rien trouver à mon goût »...
Juin 2024 Un jeune et sympathique chirurgien m'opère de la cataracte; il a l'habitude d'opérer en musique, et tandis que je suis étendu, prêt à l'opération, il me parle de la mort récemment annoncée de Françoise Hardy; je lui raconte l'aventure de la « Chanson devant la Photo de mon idole », aussitôt il va sur Internet... et fait jouer la chanson en m'opérant - Il a même acheté le disque... J'ai retrouvé ma vue de jeune homme avec le souvenir de Françoise Hardy.
Merci à Erik Doorme, grand collectionneur et fan de Françoise, pour ces documents Je vous souhaite un très bon été tout de même et rendez-vous en Septembre ! AntoineLettre précédente | Lettre suivante
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