Mars 2013
Bonjour,
Plus on est de fous...
Si Francette et moi aimons la tranquillité au point de passer des semaines, voire des mois, dans des lieux aussi retirés que l'îlot désert d'où je vous écris aujourd'hui, dans l'atoll d'Amanu, il n'en va pas de même pour tout le monde, en particulier pour la multitude de fous qui peuplent un îlot tout proche, à dix minutes en annexe de notre ancrage préféré. Si je comptais faire de l'humour en utilisant ce terme à double sens, l'effet est ruiné par les photos qui illustrent l'article ! En fait de fous, il ne s'agit pas de névropathes, mais de ces espèces de gros canards volants que les italiens et les scientifiques appellent sula, et les anglophones « boobies ».
Nous étions passés souvent devant cet îlot, sans remarquer plus que ça les nuées d'oiseaux qui tourbillonnaient au-dessus de ses cocotiers... Cette fois ci, nous avons décidé d'aller les voir, et nous en avons vu, des fous ! Plus précisément de l'espèce « fous à pattes rouges », quoiqu'il nous arrive de voir se glisser parmi eux quelques « fous masqués » au superbe plumage blanc et noir.
D'où vient ce nom français de « fous » ? Peut-être du comportement apparemment cinglé des fous qui plongent à pic dans la mer pour y cueillir dans les bancs de petits poissons de quoi nourrie leur petit qui les attend dans un des centaines de nids qui occupent les branchages des arbres de cet ilot. Les branches dénudées, et surtout la lourde odeur ambiante révèlent la présence de ces nids où grandit un jeune fou encore couvert de duvet étincelant ; où un jeune fou né depuis quelques jours guette l'éclosion du deuxième oeuf pondu simultanément ; quand son petit frère sera né, que fera l'ainé fou ? Enverra-t-il un faire part à tous ses amis : j'ai le plaisir de vous annoncer la naissance de mon petit frère Lucien » ? Pas du tout, il fait plus simple, il balance ledit petit frère par dessus bord, pour être sûr d'être élevé seul par ses parents !
Quelques petits requins, dorés dans la lumière du soir, une raie endormie sur le fond, des goélettes blanches qui s'interpellent, voilà nos compagnons au mouillage, plus ces saletés de frégates, oiseaux voleurs, qui guettent les fous en pêche : à peine l'un d'eux a-t-il chopé un poisson, qu'une couple de frégates lui fondent dessus, le harcèlent, voire l'empoignent et le secouent, jusqu'à ce qu'il recrache le poisson qu'il comptait régurgiter à son petit.
C'étaient quelques rêveries sur le monde qui nous entoure; on me dit qu'il neige en France, je vous envoie un peu de soleil, et je vous souhaite à tous un mois de mars plus marrant.
Antoine
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