Février 2013
Bonjour,
Janvier 2013 : pour nous, un mois de belles navigations... imprévues.
Que je vous explique : c'est l'histoire d'un garçon et d'une fille : le « niño » et la « niña » : un phénomène météorologique lié au réchauffement des eaux de l'est du Pacifique : certaines années, c'est le niño qui domine, et la Polynésie est visitée par des dépressions tropicales ou plus grave encore : beaucoup de bateaux vont passer ces mois aux Marquises, qui ignorent les cyclones, ou aux Gambier, où ils sont très rares. Quand c'est la niña qui domine, au contraire, la Polynésie n'a pas à craindre de phénomènes dangereux : ainsi, il y a deux ans nous avons passé la saison entière sans la moindre inquiétude. Cette année, les prévisions prévoient une situation intermédiaire, entre niño et niña ; nous avions donc prévu de passer quelques mois aux Gambier (que nous aimons beaucoup), mais comme j'étais en pleine promotion, plus Olympia et tournée Connaissance du Monde en novembre et décembre (la bonne période pour acheminer le bateau de Tahiti aux Gambier) mon copain Bernard, qui convoie de temps en temps Banana Split, a guetté une période de vents d'ouest, a pris la route des Gambier... et voilà qu'au bout de deux jours, le pilote automatique est tombé en panne ; Bernard est rentré à grand-peine, contre le vent, et voilà pourquoi, au lieu de retrouver Banana Split au mouillage de Mangareva , nous sommes réembarqués à la marine Taina, à Tahiti ; changement de programme donc, nous passerions ces mois aux Tuamotu de l'est , elles aussi rarement menacées.
Nous avons donc fait en janvier quatre belles traversées tranquilles : (Francette n'aime pas beaucoup être secouée, ni les traversées de plus de deux jours, il m'appartenait donc de bien choisir les météos, ce qui est assez facile grâce aux incroyables progrès dans ce sens que sont les fichiers « grib ». Chaque fois bien « couverts » par un bulletin favorable nous avons atteint successivement :
-Rangiroa où Yann Hubert, un ancien du « Ray Manta Club », avec qui j'avais plongé lors du tournage de mon premier film sur la Polynésie, en 1993, est venu à bord me montrer les incroyables photos de poissons qui composent son futur livre, intitulé « Gueules de Récifs », qu'il m'a demandé de préfacer... un grand honneur pour moi.
-Fakarava , pour prendre des nouvelles de nos papayers, plantés dans le jardin de l'ami Jacques... ceux là se portent bien, merci ; nous avons aussi travaillé à préparer le voyage écologique qui constituera le premier prix d'un concours autour du thème « touchez pas à la mer », que nous organiserons bientôt avec le site Futura-Sciences.
Dans notre « mouillage numéro un » , par contre, les papayers que nous avions plantés sont morts : l'île était déserte, personne n'était là pour les arroser quand trois mois de sécheresse ont sévi.
Makemo, idéale pour nous ravitailler ; nous venions de changer le projecteur HD qui nous sert pour travailler sur nos films et pour nous offrir de belles séances de cinéma à bord, au bout du monde : nous avons donné l'ancien à une association locale qui s'en servira pour faire des projections, organisées au profit d'une amicale.
Et puis, à l'instant où je vous parle, nous venons d'atteindre Amanu, un des atolls les plus à l'est, où nous passerons une bonne partie de la saison ; il est parfaitement abrité, mais nous avons dû attendre l'heure favorable pour entrer dans la passe, d'où sortait un violent courant , appelé mascaret ou opape en tahitien ; ces passes sont toujours fascinantes à franchir, c'est d'elles, qui seules donnent accès au nirvana des lagons bien abrités , c'est d'elles que Bernard Moitessier disait : « Le paradis est à ce prix ».
Je vous envoie un peu de chaleur de Polynésie, le parfum des fleurs de Tafano, le son d'un ukulélé le soir sur le rivage et la curiosité des poissons qui viennent regarder ce gros truc jaune qui flotte pour quelques semaines sur les eaux de leur lagon.
Et je vous souhaite un mois de février féérique.
Antoine
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