Janvier 1998
Bonjour,
Il y a quelques jours, je naviguais au milieu de troupeaux de phoques qui se laissaient bercer doucement, par une belle journée de l'été austral, dans les parages du Cap des Aiguilles, l'extrémité sud de l'Afrique... et je me surprenais moi même à fréquenter des latitudes si éloignées de celles que je pratique habituellement, les latitudes équatoriales ou tropicales : quand on regarde un planisphère, on constate que seul le continent africain oppose une barrière infranchissable à l'avance d'un voilier faisant, aux latitudes confortables et prudentes (disons entre 20 à 25 degrés sud et 20 à 25 degrés nord), le tour de la planète dans le sens logique, d'Est en Ouest, confortablement poussé par les alizés : deux issues seulement sont possibles : remonter la Mer Rouge jusqu'au Canal de Suez pour pénétrer en Méditerranée (c'est ce que j'ai fait sur Om il y a... déjà dix huit ans !) ; ou contourner l'Afrique par le sud, donc s'aventurer pour quelques semaines dans ces latitudes moins plaisantes.
L'approche de la saison des cyclones exigeant de faire sortir rapidement le bateau de l'Océan Indien alors que mes activités télévisuelles me retenaient temporairement à Paris, ce sont des copains qui ont amené Banana Split jusqu'au petit port de Mossel Bay où je l'ai rejoint pour partir contourner, à nouveau en solitaire, le Cap des Aiguilles et le Cap de Bonne Espérance, qui ne méritait pas le jour ou je l'ai passé, par mer plate et quinze noeuds de vent portant, son nom ancien de cap des tempêtes.
Et me voici à Cape Town, où j'ai retrouvé les joies ... inséparables de celles de la navigation ... de la mécanique ; les mains dans le cambouis, je finis de procéder à quelques modifications dans les transmissions de mes moteurs, et j'avitaille le bateau pour un départ prévu cette semaine à destination des côtes de la Namibie puis pour la traversée de l'Atlantique Sud, en passant par Sainte Hélène, qui m'avait enchanté il y a plus de vingt ans, et qui, me dit-on, n'a pratiquement pas changé depuis.
Ensuite, effleurant la côte Nord du Brésil et la Guyane, je me dirigerai vers les Antilles ; je prévois aussi de rendre visite cette année à plusieurs archipels de l'Atlantique, Bermudes, Açores, Madère, Canaries, Iles du Cap Vert, pour un des prochains films de la série Iles ... était une fois... tout cela fait quelques milliers de milles en perspective, et dépend un peu du temps, des avaries diverses qui ne manqueront pas de m'arriver...
D'ailleurs ce programme n'est pas à l'abri d'envies soudaines et de changements inattendus... comme me disait un copain navigateur : " alors, ta façon de naviguer, c'est de voir où tu arrives, et de dire que c'est là que tu voulais aller". Ne soyez pas trop surpris si, parti pour les Antilles, je me laisse soudain tenter par Bahia ou par les îles du Golfe de Guinée !
En tout cas, merci à tous pour votre fidélité, fidélité à le série des films " Iles .. était une fois ", aux nouveaux livres de la collection " Les merveilleuses Iles ", et à ce site web : n'hésitez pas à me laisser un message sur le forum : je le consulte régulièrement, me connectant au Net à chacune de mes escales, en attendant d'être connecté en haute mer, ce qui ne saurait tarder, et si je n'ai pas de réponse à donner à votre question, peut-être qu'un autre visiteur du site aura des tuyaux pour vous.
La musique de Harry Chapin, de John Lennon, de Goldman (j'adore " On ira ".. pas vous ?), ou le rythme du Kaneka de Nouvelle Calédonie emplissent le carré de Banana Split, tranquillement amarré devant le Royal Cape Yacht Club ; la nuit dernière le vent est tout de même monté à 45 noeuds dans le port, et j'ai du renforcer les amarres en pleine nuit ; ce soir le temps est tout à fait paisible et la douceur paisible de ma solitude me ravit...
Bon vent à tous , et à bientôt.
Antoine
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